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par Jean-François Dars & Anne Papillault

photo André Kertész

Les Yeux d’Antares

51 minutes – 2004

Dars / Papillault
12 Mar, 2011
Tapuscrit...

Commentaire – Mars 2001. À une quarantaine de kilomètres au large de Toulon, dans la fosse de Porquerolles, la Cyana, un petit submersible de l’Ifremer, s’apprête à inspecter le fond de la Méditerranée, profond ici de 2 400 mètres, avec à son bord deux pilotes et un physicien. Il s’agit, par prudence, de s’assurer que le sol est bien régulier et qu’il ne traîne aucun objet dangereux, car c’est là qu’on va construire Antares, le tout premier télescope sous-marin à neutrinos au monde. Après huit heures de plongée, le verdict est rassurant : le fond est plat comme une limande et les rares canons sont inoffensifs.

Pour récupérer la Cyana une fois remontée en surface, le Castor, un vaillant bateau à tout faire, qui fut chargé de presque toutes les opérations d’Antares en mer. Il est capable, un peu comme un hélicoptère, de faire du sur-place, même par gros temps. Cela s’appelle du positionnement dynamique, un système bien commode lorsqu’il s’agit de se maintenir au mètre près au-dessus d’un chantier à près de 2 500 mètres de fond.

Quant au neutrino… C’est pour l’instant la plus petite particule de matière connue. Histoire de colmater une faille dans l’harmonie des lois de la physique, Pauli prévoit son existence en 1931, et Fermi le baptise aussitôt : neutrino, « petit neutron ». C’est peu dire que nous baignons dans les neutrinos : ils nous douchent et nous traversent en permanence, sans que nous nous en apercevions, et il en arrive de partout, des centrales nucléaires, du Soleil, du fond du ciel. Soixante-dix ans après leur découverte, ils deviennent la clé d’une nouvelle astronomie.

Michel Spiro (physicien, directeur de l’IN2P3 / CNRS) – Vous savez que jusqu’à présent, on observe l’Univers essentiellement avec la lumière, avec les photons… Eh bien on pense que maintenant, on dispose d’à peu près les ressources, la technique, pour observer l’Univers avec un nouveau messager, donc, le neutrino, qui est capable de traverser des grandes quantités de matière, c’est un peu un passe-muraille, il traverse, il traverse la matière, c’est d’ailleurs ce qui fait son charme, mais aussi la difficulté de le détecter, parce que il traverse aussi les détecteurs sans, sans laisser beaucoup de traces… Mais grâce à lui, on va pouvoir voir le cœur des objets de l’Univers… La lumière nous parvient de la surface, des objets, de la surface du Soleil, de la surface des étoiles, de la surface des cataclysmes qu’il y a dans l’Univers, et les neutrinos vont nous parvenir du cœur même de ces objets, parce qu’ils sont produits au cœur et qu’ils seront capables de traverser les objets en entier, et parvenir jusqu’à nous… Donc on verra le cœur du Soleil, on a commencé déjà à l’observer, le cœur des étoiles qui explosent, le cœur des objets compacts, peut-être on verra les trous noirs en formation, alors que la lumière, elle, complémentaire aussi, nous parvient des bords des objets…

Et l’enjeu, donc, c’est de faire des télescopes à neutrinos, et pour ça, il faut des objets tellement grands, pour pouvoir les capter, les détecter, les voir interagir, qu’on est obligés d’utiliser des grandes masses naturelles, que sont par exemple le fond des mers, la mer Méditerranée, le fond de la mer Méditerranée va servir, pour Antares, de miroir, de détecteur, de capteur, pour voir ces neutrinos, détecter ces neutrinos, et reconstituer l’image des objets qui nous parviennent de l’Univers…

Jacques Paul (astrophysicien Dapnia / CEA) – On espère qu’un neutrino qui a traversé toute la Terre, juste au moment où il va sortir dans, dans le volume que représente Antares, il va engendrer un muon, et c’est ce muon qui lui, a priori va emporter toute l’énergie, tout ou partie de l’énergie du neutrino et a priori garder la même direction, surtout si le neutrino est très énergétique, eh bien c’est ce muon qu’on va détecter dans Antares… Et c’est lui qui va faire un sillage de lumière Cherenkov et ce sillage va être capturé par l’ensemble des photomultiplicateurs qui sont installés dans Antares…

Pascal Vernin (physicien Dapnia / CEA) – Alors, ce détecteur sera constitué de ce qu’on appelle les lignes, c’est des objets souples, constitués d’une ancre posée en fond de la mer, un flotteur posé quatre cents mètres plus haut, flottant quatre cents mètres plus haut, le tout relié par un câble, donc tout ça est souple et au gré du courant, subit de légers mouvements, et entre les deux, le long du câble, on accroche des détecteurs de lumière qui sont des tubes photomultiplicateurs extrêmement sensibles… On en accroche une centaine sur une ligne, et le détecteur sera constitué d’une dizaine de ces lignes, espacées de soixante mètres horizontalement… Le neutrino a beaucoup résisté aux expérimentateurs, c’est la particule la plus difficile de tous les temps, c’est la particule qui a forcé les physiciens à des défis… Mettre à l’eau un immense détecteur pour dix particules, ça fait partie de cette logique, et je crois que dans le siècle qui vient, les expériences qui restent sont ces expériences les plus difficiles, qu’on n’a pas osé aborder jusqu’ici, et on voit pas beaucoup d’autres solutions d’arriver aux mêmes résultats que de faire cet effort de construire cet immense détecteur…

Commentaire – Si Antares se met tout au fond de l’eau, c’est pour se protéger au maximum des particules descendantes, comme les rayons cosmiques, sources de bruit de fond et de confusion. Et s’il a les yeux fixés vers le bas, c’est parce qu’il guette les particules montantes, qui ont déjà traversé toute la Terre, exploit dont seuls les neutrinos sont capables. Quant à l’effet Cherenkov, c’est sur lui que repose tout le principe du détecteur. C’est l’équivalent optique du mur du son. Lorsqu’un avion, dans l’air, va plus vite que le son, il produit son célèbre bang sonore. Lorsqu’une particule, dans l’eau, va plus vite que la lumière dans l’eau, elle produit un cône de lumière bleue, qui signe le passage de la particule.

Lawrence Sulak (physicien, Boston University) – Si on a un neutrino qui vient des étoiles, et il fait la collision avec le proton, la chose qui sort, par exemple, si c’est un neutrino de muon, il fait un muon ! Et cet muon est chargé, et si cet muon va très vite, c’est-à-dire à vitesse de lumière, on dit C, les physiciens, comme MC square, monsieur Einstein, ça c’est le même chose… Cette chose va très vite ! Trop vite, que lumière dans l’eau… Et dans cette façon-là, il fait un vague de choc, mais cette vague de choc, c’est de lumière, et cette vague de choc comme ça, fait cet cône de lumière ! C’est comme un avion, si un avion va plus vite que la vitesse de son, il fait boum ! C’est-à-dire le choc dans l’air… Le choc d’une particule avec charge dans l’eau, ça fait un choc lumineuse…

Commentaire – En partant de ce principe, les Américains avaient déjà tenté de construire un télescope semblable, baptisé Dumand, dans la fosse de Hawaï, mais avaient dû abandonner, vaincus par les obstacles techniques et la violence du Pacifique. Du coup, ils en ont construit depuis un autre, Amanda, enfoui immobile dans les glaces du pôle Sud. Antares relève le gant, avec une meilleure appréciation des difficultés marines. Lesquelles ne manquent pas. Premier défi, le câble, car il ne s’agit pas de mettre la charrue avant les bœufs : avoir un télescope au fond de l’eau, c’est bien, mais encore faut-il qu’il soit alimenté en électricité et qu’il puisse transmettre ses résultats à terre. D’où un câble sous-marin de 45 km de longueur, 6 000 volts plus 48 fibres optiques, qu’on enroule à bord du Castor sur une bobine géante. Le câble est arrivé de Dunkerque en train, malgré quelques malheurs. Comme ses trois wagons ont été malencontreusement séparés dans une gare de triage, on ressoude les 48 fibres à bord, avec à chaque fois une radio de contrôle de la soudure, au prix d’une grosse poupée en guise de pansement.

Jean-François Dars – Qu’est-ce qui est envisagé pour le moment ?

Commandant Bernard Peyronnet (Foselev Marine) – Pour le moment, c’est un départ à 22 heures, qui est prévu, pour attaquer les travaux sur zone dès qu’on arrive… Y aura un peu de vent et le vent doit tomber dans la nuit et le lendemain matin on devrait pouvoir commencer la pause de câble au petit jour… On a 30 heures de pose, donc ça fait une journée plus 6 heures… Donc si on commence à 5 heures du matin, on finit théoriquement à midi, vers les midi…

JFD – Le jour suivant…

Cdt Peyronnet – Le jour suivant, oui… Oui ?

Radio – Oui, donc, la météo pour Porquerolles actuellement, nord-est 10 nœuds, 2 km de visi, mer 3 !

JFD – Ce malheureux tuyau d’arrosage, c’est le câble ?

Pierre Valdy (responsable des opérations en mer IFREMER) – Oui… C’est du 21 mm… Y a 48 fibres optiques, quand même !

JFD – Y paie pas de mine, hein…

Pierre Valdie – Nan ! Non, mais bon, 40 km, ça fait du volume…

Commentaire – Une fois sur site, on commence par larguer, comme toujours, l’indispensable « poisson acoustique », avec lequel se font tous les repères de position. C’est fou ce qu’il faut mettre à l’eau pour un simple câble, balises acoustiques, queues de dragage, lest, bouées…

Puis, après les divers incidents de rigueur, caprices météo, coincements et alertes rouges, le Castor se mettra en route à la vitesse majestueuse de 1,5 nœud, en faisant bien attention à ce que le câble ne fasse pas de boucles.

Il aura fallu 30 heures pour dérouler ses 40 km jusqu’à la plage des Sablettes, à La Seyne sur Mer, pour le relier à l’Institut Michel Pacha, où il est attendu de pied ferme par les physiciens et ingénieurs d’Antares.

Jacques Paul – Bon, quand on a œuvré, comme moi, dans le domaine de l’astronomie spatiale, on comprend que le sous-marin, c’est encore plus compliqué… Parce que non seulement c’est un milieu hostile, mais c’est un milieu qui rouille, quoi… Tandis que quand vous envoyez une expérience dans l’espace, une fois qu’elle a franchi le, enfin, qu’elle n’a pas explosé, que la fusée s’est bien passée, bon, elle est dans un endroit très calme… Pas de chocs, pas de vibrations, pas d’air, rien ! Là, on est toujours, dans les fonds sous-marins, soumis à des, à des contraintes… Alors c’est difficile d’installer les instruments, et en plus ils doivent être particulièrement bien étudiés pour survivre…

Charling Tao (Physicienne CPPM / CNRS) – En fait, la manière dont on travaille, c’est qu’on a plusieurs étapes de tests et de vérifications, on a commencé par mettre un photomultiplicateur dans l’eau, à regarder ce que ça fait, à mesurer le dépôt de salissure, à voir, à mesurer la transmission de lumière, donc c’est vraiment étape par étape et on construit petit à petit, hein, c’est ce bloc-là, on va faire un secteur, ça va être notre unité de manipulation ! La difficulté dans cette expérience Antares, c’est pas les photomultiplicateurs, enfin bien sûr on a de l’électronique de pointe, bien sûr on a des horloges très sophistiquées pour avoir du temps précis, mais ça, c’est encore des choses que, physiciens des particules, on sait bien faire, c’est rien de…

Anne Papillault – C’est pas nouveau !

Charling Tao – C’est pas nouveau ! Et je crois que la grande difficulté d’Antares, c’est de, des autres tentatives de travailler dans la mer, y a eu d’autres, y a d’autres groupes qui essaient de faire ça, c’est cette logistique de travailler en mer, d’avoir des bateaux, de savoir comment manipuler les objets, les mettre dans l’eau, quels matériaux, ne serait-ce que ça, des choses triviales… Quel matériau est susceptible de tenir dix ans dans l’eau sans qu’on aille le repêcher !

John Carr (physicien / coordinateur d’Antares CPPM / CNRS) – Nous avons testé tous les éléments en pression en caissons hyperbares, pour éviter les fuites dans tous les composants, dans les connecteurs, nous sommes conscients que le système électronique est très complexe, et que quand il sera au fond de la mer, ça sera vraiment difficile de le réparer, on ne peut pas y aller, changer un fusible, par exemple, si un fusible saute, il faut remonter toutes les lignes, qui prendra à peu près six mois, c’est possible avec notre système, de faire des réparations, mais ça prendra six mois pour remonter, réparer, remettre en place une ligne, et donc y faut prévoir que les fusibles ne sautent pas et que si une petite partie tombe en panne, ça ne tue pas tout notre système. Nous avons essayé d’évaluer tous les risques, mais nous voulons faire les essais en mer avec un système complet, avant qu’on démarre la production de tous…

Commentaire – En réalité, c’est encore plus compliqué que ça, parce qu’il faut aussi coordonner beaucoup d’efforts : les divers laboratoires de physique, d’instituts ou d’universités des quatre coins de l’Europe associés à Antares, Moscou, Amsterdam, Erlangen, Bologne, Rome, Bari, Catane, Gênes, Pise, Valencia, s’engagent aussi à fabriquer une partie de l’appareil, un peu selon le principe d’Airbus, chacun apportant sa pierre à l’édifice principal qui repose sur ses trois piliers d’origine.

Lawrence Sulak – CNRS… CEA… Ifremer… C’est presque tout le France ! N’est-ce pas ? Parce que tous les trois ont les choses dans le technique qui est formidable, au contraire de Dumand… Et qu’est-ce que vous avez comme management ? Premièrement, la directeur-fondateur, c’était Aubert… Fantastique… Et maintenant John Carr… C’est très bon… Et comme support dans la nation, c’est Spiro… C’est fantastique… Mais je pense ici que toute la France a un côté CERN et l’autre côté astroparticle physics à Antares… Donc, à mon avis, il doit être très bon succès… Ça, les choses à mon avis… Ça, c’est les questions que vous avez posées ?

JFD – Non !

AP – Ouaf, ouaf, ouaf !

Lawrence Sulak – Alors qu’est-ce que vous avez posé comme questions ?

Michel Spiro – Antares est donc né sous l’initiative, principalement, de Jean-Jacques Aubert, qui a montré que par rapport aux autres projets qui existaient en Europe, y avait des atouts uniques au large de Toulon, d’une part par la présence de l’Ifremer, et de toute une infrastructure, unique en Europe, si ce n’est unique au monde, d’autre part par l’existence de fonds sous-marins très proches du bord de la mer, et troisièmement parce que la Région souhaitait accueillir un projet international, et donc Jean-Jacques Aubert s’est beaucoup impliqué, et effectivement il a dû le faire dans les années 95-96, à un moment où Antares n’était pas encore dans le paysage européen, c’est effectivement la Grèce, la Russie, qui étaient là, en plus du projet américain en Antarctique, et c’est Jean-Jacques Aubert qui a vraiment fait émerger, si je puis dire, ce projet, qui maintenant apparaît comme un, comme le projet-phare européen…

Jean-Jacques Aubert (Physicien CPPM / CNRS) – Alors, ben, on a essayé d’analyser, disons, les raisons pour lesquelles Dumand s’est planté, et pour moi, l’analyse qui était la plus simple, c’est qu’en fait les moyens technologiques dont ils disposaient n’étaient pas suffisants… Voilà, les moyens technologiques n’étaient pas suffisants, et les moyens financiers probablement aussi, enfin y avait un ensemble de raisons qui faisaient qu’il n’y avait pas eu conjonction d’éléments favorables suffisants… Mais par contre à la même époque, Baïkal n’avait pas beaucoup de photomultiplicateurs dans l’eau, mais on avait, alors, dans des conditions différentes, un peu moins profond, et ils déployaient ça à partir de la glace, mais enfin, le fait était là, ça marchait !

Pascal Vernin – Et c’est un détecteur qui est fonctionnel depuis à peu près 1985, et qui fonctionne toujours… Les, nos collègues russes utilisent la glace en hiver, pour déployer et faire la maintenance de leurs détecteurs, donc ils n’ont pas besoin de bateaux, et le détecteur fonctionne le reste de l’année, l’été principalement, sous l’eau…

Commentaire – En attendant que la Méditerranée se mette à geler, une équipe du CEA fait le voyage jusqu’en Sibérie, comme l’avait déjà fait une équipe italienne l’année précédente, dans un souci d’étalonnage des instruments de mesure de la transparence de l’eau, qui est le milieu où se propage la lumière Cherenkov. Le télescope russe ressemble suffisamment à ce que sera Antares pour qu’on puisse faire des tests comparatifs. Et c’est ainsi qu’un des gros yeux d’Antares, accompagné de son électronique, est venu spécialement pour plonger dans les eaux glacées du lac, avec l’aide de physiciens russes depuis longtemps entraînés par les vicissitudes de l’Histoire à travailler avec les moyens du bord.

Les détecteurs du Baïkal ne sont pas du même modèle que ceux d’Antares. L’eau du lac Baïkal n’est pas la même que celle de Porquerolles : le bruit de fond lumineux est différent, à cause des émissions du potassium 40 dans l’eau de mer et des signaux de bioluminescence du microplancton marin, qui n’est pas le même que le microplancton d’eau douce. Mais l’important est d’établir que des instruments différents dans des milieux différents aboutissent à des valeurs comparables. On immerge les boules au fond du lac, à 1 800 mètres, une émettrice et une réceptrice, et l’une envoie à l’autre un signal lumineux à différentes distances.

Grigori Domogatski (physicien, INR / Moscou) – Le détecteur que nous avons mis au point au Baïkal mesure l’effet Cherenkov occasionné par des particules chargées, excitées par l’action des neutrinos. Pourtant au milieu des années 70, lorsque l’idée de détection abyssale fut de nouveau à l’ordre du jour après la première proposition de Markov faite à la fin des années 50, trois variantes furent envisagées : la méthode de détection acoustique, la méthode de détection radio et la méthode de détection Cherenkov.

Cette méthode, ici, au Baïkal, est réalisée. La première partie de cette installation, qui fonctionnait déjà comme détecteur autonome, est en marche depuis 1993. De 1993 à 1998, l’installation n’a pas cessé de se compléter et depuis 1998, elle fonctionne dans l’état où elle avait été projetée au moment de sa création.

Commentaire – Lors de réunions de travail régulières, comme ici à Moscou, la préparation est la partie la moins visible, mais peut-être la plus intense, d’Antares. Tout le monde apporte sa pierre ou même sa pièce mécanique à l’édifice, et apprend à travailler aussi bien avec la logique des marins qu’avec les problèmes des mécaniciens, car le déploiement d’Antares représente un tour de force jamais réalisé encore qui peut dépendre de chacun des membres de chacune des équipes embarquées dans l’expérience.

Tout aussi pointus, des séminaires de physique, comme ici aux Houches, face au Mont-Blanc, maintiennent l’enthousiasme à son plus haut degré d’ébullition : chacun voit midi à son clocher, mais il y en aura pour tout le monde. Car tandis que son concurrent/partenaire américain, Amanda, troisième télescope à neutrinos installé, lui, dans la glace, au pôle Sud, regarde donc vers notre ciel d’hémisphère Nord, Antares regardera le ciel sous nos pieds, nettement plus peuplé.

AP – On regarde que les neutrinos montants… Donc ceux qui viennent de l’hémisphère sud…

John Carr – Exact, on ne regarde que les événements montants, donc c’est un télescope qui regarde en bas, donc c’est un peu bizarre, mais il est comme ça… Et on fait ça parce qu’il y a un énorme flux de bruit de fond des rayons cosmiques qui descendent, donc nous avons descendu au fond de la mer, à cette profondeur de 2 500 mètres, pour protéger contre ce flux de rayons cosmiques, mais quand même, le flux descendant est quand même grand, donc on regarde en bas pour distinguer le signal des neutrinos du bruit de fond des rayons cosmiques…

AP – Mais est-ce qu’il y a plus de chances de voir des neutrinos venant de l’autre côté que, enfin donc, de l’hémisphère Sud, est-ce qu’il y aura plus d’événements venant de l’hémisphère Sud que ce que va voir l’autre détecteur qui, lui, est dans les glaces du pôle Sud ?

John Carr – Oui ! Well… Peut-être, plutôt, peut-être… Donc les choses qui est différentes, et dans la partie du ciel que l’on regarde avec notre détecteur, il y aura, il y a le centre de notre propre galaxie… C’est la galaxie, la Voie Lactée, qu’on voit… Donc c’est tout à fait normal de penser dans les neutrinos que ça sera ça la source plus brillante…

Jacques Paul – Nous on va dans l’espace, eux y vont dans les fonds marins, mais les astres susceptibles de fabriquer ces neutrinos sont à peu près les mêmes astres qui fabriquent les rayons gamma ou les rayons X que l’on détecte à bord des satellites… Donc vous observez le même astre sous deux aspects totalement différents, totalement complémentaires, et on a du mal à comprendre la physique de cet astre si on n’a pas ces deux éclairages…

Peter von Ballmoos (physicien, CESR / Toulouse) – Mais de voir tout le ciel évoluer à travers les longueurs d’ondes du radio, à travers les micro-ondes infra-rouges, visibles, UV, X et gamma, ça nous montre qu’on peut pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, voir un objet d’étude, le ciel dans ce cas-là, dans toute son entité spectrale… C’est-à-dire une cinquantaine d’octaves, c’est comme si vous avez sept pianos côte à côte et nous, on voit une seule, et donc c’est le seul objet qu’on connaît si bien… Si vous demandez, même à un médecin, s’il peut vous montrer une image d’un humain à travers le spectre électromagnétique, y aura des grandes, grandes lacunes… On connaît rien sur terre, si bien à travers le spectre électromagnétique, aussi bien que le ciel… C’est ça qui est le paradoxe…

Commentaire – Un autre paradoxe est celui qui transforme les astronomes et les physiciens d’Antares en pêcheurs d’Islande. Et peut-être a-t-on en effet une vision plus complète du ciel que du corps humain, mais il faut dire qu’on s’en donne les moyens, même maritimes. En mer, dès qu’il s’agit de larguer du matériel, il y a toujours, sur le pont, en surface ou dans l’eau, quelque chose à amarrer ou à décrocher, à récupérer, à sécuriser, des poulies traîtresses, des treuils sournois, des câbles pleins de graisse, il y a des épissures à faire, pour tout dire de la haute-couture, mais dans des conditions qui, toutes proportions gardées, n’ont rien à envier à cet Univers violent dont les neutrinos sont les messagers privilégiés.

Voilà bientôt un an que le câble à fibres optiques attendait bien tranquille, déroulé sur le fond de la mer comme un long boa satisfait de son sort. Mais à présent le temps est venu de le relier à la boîte de jonction, une opération qui doit avoir lieu en surface, car il faut faire toute une série de tests avec la station à terre. On va donc commencer par récupérer le câble principal au fond, en envoyant une drague le crocher par le travers, puis on le remontera à bord le plus délicatement possible, mètre par mètre, ce qui prend plusieurs heures, car il s’agit toujours de ne pas faire de boucles. Dès qu’il fait surface, on s’empare de sa tête, une énorme prise, le connecteur.

Michel Billault – Bon, alors maintenant le connecteur est sur le pont… et donc vous allez pouvoir commencer la procédure… La procédure zéro ! Okay ?

John Carr – Okay, très bien ! … Ça, c’est la câble qui sort de la mer et il lie le site à 40 km de la côte à cette boîte ici… Le câble passe depuis la plage des Sablettes quelque part ici, au fond là…

Jacques Paul – L’astronome classique, lui, ce qu’il aime bien, c’est aller au-dessus des montagnes, parce que là l’air est à peu près pur, et puis travailler la nuit ! L’astronome des neutrinos, lui, il va au fond de la mer, et en plus il observe de l’autre côté de la Terre… Faut s’y faire, mais une fois qu’on, une fois que ce pas est franchi, c’est une astronomie comme les autres… Bon, on dit, la grande révolution de l’astronomie, c’est quand Galilée a braqué une longue-vue vers le ciel… Bon, c’est vrai ! Mais… Finalement, ce faisant, il voyait toujours la même chose… Il le voyait mieux, quoi, il voyait des étoiles, mais les étoiles c’est quoi, c’est des soleils, donc le Soleil on l’a tout près, c’est pas la peine… Enfin, si on veut vraiment savoir comment marche une étoile, commençons par la plus proche… Et puis ensuite, avec la même technique, on a vu des galaxies, mais c’étaient toujours des amas d’étoiles comme le Soleil ! Donc c’était excessivement anthropocentriste ! On voyait que des objets qui émettaient un rayonnement adapté à notre œil ! Or notre œil n’a pas été fabriqué pour faire de l’astronomie, il a été adapté pour survivre sur une planète éclairée par le Soleil… Donc on ne voyait que des objets un peu comme le Soleil… Maintenant la nouvelle frontière, c’est le neutrino. Le neutrino a les mêmes avantages que le photon, il a un avantage supplémentaire, il trace les phénomènes les plus violents de l’Univers… Or, les phénomènes les plus violents sont sans doute les plus intéressants, parce que ce sont eux qui ont façonné l’Univers, qui expliquent comment il a évolué, mais son inconvénient, bien sûr, c’est son excessive difficulté à interagir…

Commentaire – On vérifie au passage que la tête du câble, le connecteur, n’a pas pris l’eau, et de fait elle apparaît comme neuve, ce qui est quand même impressionnant après une dizaine de mois passés dans l’eau salée à moins 2 500 mètres. On la branchera sur la boîte de jonction, une tonne d’électronique sophistiquée, pur titane. C’est l’instrument décisif, où arriveront et d’où repartiront toutes les informations de tous les détecteurs. Puis on renverra le tout au fond de la mer. Simple à dire, moins simple à faire. A ce stade, Antares entre dans l’inconnu, car c’était en tentant de larguer sa propre boîte de jonction que l’opération Dumand, dans le Pacifique, avait dû renoncer. Alea jacta est, donc. Et le calendrier veut que ce soit la dernière fenêtre d’opération possible malgré la nuit, malgré la houle, malgré la pluie.

 Tout cela dans l’espoir de piéger un jour la petite lumière bleue de quelques muons fugaces, eux-mêmes enfantés par quelques neutrinos coriaces au point d’avoir traversé toute la Terre en ligne droite après s’être échappés un jour presque inconcevable de l’un de ces gigantesques hoquets qui secouent l’Univers, pour atterrir dans l’assiette impatiente des astronomes neutrinos, chacun s’étant spécialisé dans une espèce de fauve bien précise. À leur tableau, donc, trous noirs en tous genres, y compris sursauts gamma et micro-quasars.

Felix Mirabel (astrophysicien, CEA / DAPNIA) – Les micro-quasars sont des trous noirs, des masses stellaires, sont comme des fossiles d’étoiles massives, dans notre galaxie, qui accrètent de la matière à partir d’une étoile-compagnon que c’est la victime, hein, qui est progressivement avalée par le trou noir… Que Einstein, par des raisons de préjugés épistémologiques, jamais a voulu accepter, parce que ça a été ce qu’on appelle dans la mathématique, dans la science mathématique, une singularité ! Et pour Einstein, ça n’était pas acceptable, alors lui, malgré qu’était une prédiction inéluctable de la relativité générale, jamais a voulu accepter que ce type d’objet pourrait exister dans l’Univers, et on l’a découvert, c’est maintenant un des sujets principaux de l’astrophysique en ce moment…

Michel Boer (astronome, Observatoire de Haute-Provence / CNRS) – L’astronomie moderne est obligée de faire avec les sources aléatoires… Proba­blement au Moyen-Âge, la super-nova du Crabe a été vue, elle figure chez les Chinois, mais pas dans l’astronomie du Moyen-Âge, probablement parce que les… Comme tout était fait pas Dieu, ça pouvait pas bouger ! Il avait fait ça une fois pour toutes, en sept jours, ça pouvait pas bouger ! Kepler, l’idée de la Renaissance, on remettait les choses en cause, donc on admettait qu’il puisse y avoir une nouvelle étoile qui apparaisse dans le ciel et qui disparaisse, ça a été la super-nova de Kepler, qui a été fortement étudiée… Enfin, bon, à part les super-novæ qui sont finalement des événements rares, et qui durent quelques mois, quand même l’astronomie était basée sur les systèmes qui mettent pas mal de millions d’années, voire des milliards d’années, à évoluer… Depuis qu’on a ouvert les fenêtres, ce qu’on appelle la fenêtre à haute-énergie, c’est-à-dire les rayons X et gamma, on s’aperçoit que notre, qu’on vit dans un monde dangereux, c’est-à-dire que tout varie, tout bouge, à une échelle ou à une autre dans le ciel… On voit même des étoiles qui, donc, comme les sursauts gamma, qui sont juste là pour quelques dixièmes de seconde et puis qui disparaissent, on vit dans un monde qui est extrêmement variable… Donc je dirais que, on fait plus une carte du ciel, maintenant, on fait une carte du ciel, mais une carte qui bouge tout le temps dans le temps ! Je crois que c’est ça que peut aussi, et c’est là-dessus que Antares va probablement apporter aussi beaucoup d’informations, parce que eux, non seulement on voit ces sources varier dans le temps, en rayons X, en rayons gamma, voire d’ailleurs maintenant en optique, mais en plus on voit quels sont leurs mécanismes, quelles sont les particules directes, qui ont été produites directement à la source de ces explosions, ou de ces accélérations…

Jacques Paul – Les sursauts gamma, c’est des trous noirs, des braves trous noirs, des braves étoiles qui deviennent trous noirs, et au moment où une étoile forme un trou noir, dans un cas très particulier, un cas sur mille, semble-t-il, eh bien, ce trou noir suscite pendant un bref instant, une extraordinaire bouffée de particules de très haute énergie… Et ça, des sursauts gamma, on en observe depuis maintenant une trentaine d’années ! On a enfin compris depuis quelques années ce que c’était, à peu près, et donc voilà un excellent candidat, mais ça, ce candidat, il faut le saisir au bon moment, au bon endroit ! Alors là aussi, ça a un avantage pour une expérience comme Antares, parce qu’elle couvre un très grand champ de vue ! Hein, le grand problème des observations astronomiques, c’est que pour avoir un instrument, plus l’instrument est sensible, plus l’instrument a un petit champ ! Alors un petit champ, on n’a aucune chance de détecter un sursaut gamma, parce qu’il arrive n’importe quand, à n’importe quel moment ! Et n’importe où dans le ciel… Or Antares, à ma connaissance, couvre un champ tel, pratiquement une demi-sphère céleste, qu’il a une… Enfin, si les sursauts sont aptes à fabriquer des flux de neutrinos en quantités suffisantes, on en aura déjà une première idée avec Antares…

Michel Boer – Donc ces explosions ont été découvertes en fait dans les années, à la fin des années 60, mais c’était un secret militaire américain, pendant très longtemps, puisqu’elles ont été découvertes par des satellites militaires, qui cherchaient en fait des explosions gamma, mais qui venaient des Soviétiques, à l’époque, qui venaient des Russes, de bombes améric… de bombes nucléaires russes, et donc ils avaient mis en l’air une série de satellites pour détecter ces flashes gamma, donc faits par des tests qui étaient prohibés à l’époque par les traités américano-soviétiques… Heureusement, disons, ils ont vu des explosions, ils les ont pas attribuées aux Russes, heureusement pour nous peut-être, et ils se sont rendu compte, les militaires américains, ou les scientifiques qui travaillaient pour eux, se sont rendu compte que ces explosions ne venaient même pas du Soleil, mais venaient de beaucoup plus loin que le système solaire… Donc c’étaient des sources extrêmement lointaines, et si elles sont extrêmement lointaines, comme elles sont extrêmement brillantes quand nous on les voit, ça veut dire que l’énergie qui est relâchée par ces sources est… Y a une énergie astronomique ! Donc, ce qui tombe bien pour des sources astronomiques ! Mais enfin, ce sont les sources les plus violentes, qui émettent de l’ordre de, bon, on est à 10… 1 avec 48 zéros derrière, 1048 Joules, c’est donc une énergie qui est l’énergie la plus importante, je crois, à part l’explosion primordiale qui a fait l’Univers, c’est, ça vient juste derrière, donc de nos jours, ce sont les sources les plus violentes dans l’Univers…

Commentaire – La première ligne à cinq étages de détecteurs est fin prête. Chaque grappe de trois boules sera immergée à tour de rôle, chaque boule embarquant un détecteur de lumière capable de repérer un seul photon dans l’obscurité des abysses. Bien entendu, il s’agit d’un premier pas, sorte d’orteil prudent testant l’eau du bain, mais c’est un pas décisif. Lorsque ce premier ensemble, une fois complètement branché, aura donné satisfaction, on passera à la construction, à l’installation, à la connexion, en quelque sorte en série, des dix lignes qui constitueront Antares.

Ce sont donc les premiers yeux d’Antares qui sont descendus en grappes successives, suivies de leur flotteur, rejoindre leur poste de guet en eau profonde. La construction d’un nouvel instrument va de pair avec l’émergence d’une nouvelle discipline : mi-astronomie, mi-physique des particules, d’ailleurs on l’appelle déjà l’astroparticule. Les télescopes à neutrinos sont au fond des télémicroscopes, une sorte d’oxymore optique, qui imposera à ses utilisateurs un grand écart conceptuel permanent, et pas seulement parce qu’ils sont des télescopes flottants maintenus en place par des ancres et des bouées.

Pierre Binétruy (physicien, Astroparticules et cosmologie / Paris VII) – Alors moi, je viens de la physique théorique des hautes énergies, et donc de plus en plus je me suis intéressé aux liens entre ça et l’Univers primordial, donc la cosmologie, l’évolution de l’Univers, et donc c’est effectivement, petit à petit, je me suis rendu compte que le meilleur laboratoire pour tester la physique des très hautes énergies, c’était l’Univers primordial… Et donc c’est…

JFD– Parce que ?

Pierre Binetruy – Parce que les, principalement les conditions de température sont telles qu’on a atteint dans l’Univers primordial des énergies extrêmement élevées qui sont inaccessibles aux accélérateurs… Donc ça permet de tester, donc, nos théories de physique fondamentale à des énergies très élevées… La difficulté, c’est qu’évidemment l’Univers, l’expérience s’est faite qu’une seule fois, et donc effectivement on ne peut pas refaire l’expérience, mais par contre l’expérience a été faite au moins une fois, à ces énergies très élevées…

Michel Spiro – On est partis, moi je suis parti avec ma motivation, c’était de comprendre l’infiniment petit, les particules élémentaires, on est tombés sur le plus petit, le plus élémentaire, qui semble être les neutrinos, et avec les neutrinos, d’un seul coup, une fraction de la communauté s’est dit, tiens, finalement, ça rejoint peut-être des thématiques importantes de l’infiniment grand, et maintenant on se trouve embarqués dans les voyages cosmiques avec les neutrinos, c’était pas du tout prévu quand j’ai commencé, moi, ma, la science de l’infiniment petit, au CERN, près des grands accélérateurs…

Pierre Valdy – Donc tu vois, tu prends le 6, tu le mets sur le 7…

Commentaire – Puisque l’infiniment petit dans l’infiniment lointain se recueille dans les grands fonds, c’est le Nautile qui accomplira les derniers gestes. Les ultimes branchements permettront au regard d’Antares, scrutant le fond des eaux, de se mettre à l’affût de la lumière bleue Cherenkov des muons, pour en transmettre le signal à la boîte de jonction posée sur le fond de la mer, d’où il repartira via le câble à fibres optiques, vrai nerf optique pour le coup, vers les calculateurs à terre, chargés de décrypter et d’authentifier sa signature. Discret comme un chat, sans charge électrique, presque sans masse, le neutrino est un voyageur sans bagages.

AP – Combien de neutrinos vous pensez observer par an ?

John Carr – Donc avec le nombre d’événements, les neutrinos qui viennent des astres, la vérité est qu’on ne sait pas, mais on peut espérer pour quelques-uns par an, et avec les choses connues, mais s’il y a quelque chose mal connu, on peut espérer encore mieux que ça…

JFD – Mais, quelques-uns, c’est quoi ? A handful ?

John Carr – Oui, c’est un handful, oui, ha, ha, ha, ha, ha !

JFD – C’est pas beaucoup, hein…

John Carr – C’est pas beaucoup, mais ça sera un début ! Si c’est un début, ça ne suffit pas, donc ça sera un début, et après, on peut aller construire quelque chose plus grand, donc dans une façon, Antares, avec cette taille-là, sera un premier projet, et si vraiment on voit les choses qui viennent des astres, on va construire quelque chose beaucoup plus grand…

Eli Waxman (astrophysicien, Institut Weizmann / Rehovot) – And in this context, maybe there is another point that should be emphasized, and it is, beyond the implications to astrophysics, the detection of even a handful of events would have also implications for basic properties of neutrinos… For example, one the underlying principles of general relativity says that when photons or neutrinos go through a gravitational potential, their suffer some time delay… So they are delayed by the gravitational potential… And one of the basic principles of general relativity says that neutrinos and photons should suffer exactly the same time delay… Now, if we see the photons and neutrinos coming from the source and identify them, to be associated to each other, then we would have a very strong test of the difference in arrival time and therefore we have a very strong test of this basic principle of general relativity… So again, just detecting a handful of events would already do a lot in terms of the physics and astrophysics…

Sous-titres : Il faut aussi souligner qu’au-delà de l’astrophysique, même une poignée d’événements aurait des implications pour les propriétés fondamen­tales des neutrinos… L’un des principes sous-jacents de la relativité générale dit que des photons et des neutrinos traversant un potentiel gravitationnel subissent un décalage temporel… Et l’un des principes de base de la relativité générale dit que les neutrinos et les photons doivent subir exactement le même retard. Alors, si on voit des photons et des neutrinos sortant d’une source et qu’on les identifie comme étant associés l’un à l’autre, on aurait une très solide verification de la différence des temps d’arrivée, et donc de ce principe de base de la relativité générale… Encore une fois, ne détecter qu’une poignée d’évé­ne­ments ferait déjà énormément pour la physique et l’astrophysique…

Michel Spiro – Autant y a un continuum dans la lumière, quand on va de la lumière visible vers l’infrarouge d’un côté ou vers les X ou même vers les gamma, autant d’aller vers les neutrinos, c’est vraiment quelque chose qui est radicalement différent qui est mis en jeu, c’est des processus nucléaires qui mettent, qui mettent en jeu la production de neutrinos, alors que la lumière, elle est produite par des processus électromagnétiques… Donc on va sonder l’Univers dans une autre de ses forces, hein, vous savez qu’il y a quatre grandes forces, il y a la force électromagnétique, donc c’est elle qui produit tous ces photons que l’on voit, et puis y a une force nucléaire qui, forte et faible, qui émettent des neutrinos, donc c’est là, on va aller l’observer, et puis enfin y a la force gravitationnelle, celle qu’on connaît bien… Alors lorsqu’on aura la lumière, les ondes gravitationnelles, les neutrinos, là on pourrait penser qu’on aura vraiment l’ensemble des outils pour observer l’Univers et le comprendre de manière ultime, espérons-le…

50 min 57 s

A près de 2 500 mètres au fond de la Méditerranée, au large de Porquerolles, le télescope Antares s’apprête à recueillir les neutrinos au fond du ciel en scrutant le fond de la mer.

La mise en place de ses centaines d’yeux électroniques n’a été rendue possible qu’en affrontant les dangers du milieu marin avec une rigueur digne des opérations spatiales. Et bientôt arriveront à La Seyne sur Mer les premiers messages du premier instrument d’optique d’une toute récente discipline : l’astroparticule.