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de la recherche !

par Jean-François Dars & Anne Papillault

photo André Kertész

MALADIES RARES / RARE DISEASES

Face à la détresse

Facing the distress

Shahram Attarian
14 Mai, 2024
Tapuscrit...

Shahram Attarian – C’est la rencontre avec des personnes rares qui marque. En quatrième année de médecine, j’ai assisté à une réunion médicale où un patient portugais atteint de neuropathie amyloïde héréditaire a été présenté et examiné par l’interne. La maladie était assez avancée, j’ai gardé en mémoire l’état de dénutrition de ce patient de quarante ans et son regard. Je me disais qu’il ne serait plus là dans un ou deux ans. Puis au cours de mon internat, en neurologie, vers les années 95-96, j’ai eu d’autres rencontres avec des personnes atteintes des maladies rares, le choc des annonces, la violence du désespoir et de ressentiment face à l’injustice, face à ce désastre. J’ai été attiré par la difficulté du domaine des maladies neuromusculaires, le manque de connaissances, l’absence de traitements, les difficultés quotidiennes de ces patients. J’ai voulu être parmi ces rares soignants, médecins-chercheurs, qui osent explorer ces pathologies rares, voire ultra-rares, bref, ceux qui s’intéressaient aux trous noirs de la médecine.

Qu’est-ce que c’est une maladie rare, la maladie rare, une définition très précise, la prévalence est 1 sur 2 500 habitants. Pour vous donner un exemple de neuropathie amyloïde dont on parle, c’est, par exemple pour une ville comme Marseille, on doit avoir trois, quatre malades ! Et actuellement, on a identifié plus de 7 000 maladies rares, dans mon domaine, il y en a 700. Donc c’est très vaste. Moi, je fais hommage à ces aînés qui ont osé attaquer ce problème des maladies neuromusculaires, qui étaient un domaine inconnu : Georges Serratrice, professeur Georges Serratrice, en 1968, le pionnier. Et puis le professeur Jean Pouget, qui a créé le service des maladies neuromusculaires à Marseille, non seulement il y avait la curiosité, mais en plus le courage, je dirais maintenant c’est plus facile, on est sur un chemin où les choses sont un peu plus claires… Depuis 2018, nous vivons une époque formidable. D’abord, les thérapies agissant sur les ARN puis les thérapies géniques, alors, c’est le prix Nobel récent, ciseau génétique, boîte à outils très intéressante, permettant de couper-coller ! En 2021, de nouvelles familles de traitements très efficaces ont émergé et quand on regarde derrière soi, on se dit, quel chemin parcouru… Et je crois que, dans un avenir proche, nous pourrons oublier la situation catastrophique de ce patient portugais, dont le regard était rempli de détresse et d’incompréhension.

Alors dans mon domaine, 50 % des maladies, ce sont des maladies génétiques. On commence à avoir des traitements… Il faut avoir accès au génome, accès aux cellules, pour que le traitement arrive, alors les traitements actuellement c’est intraveineux, mais est-ce qu’ils vont arriver aux cibles, c’est pas sûr, pour le muscle oui, les muscles sont très perfusés, mais pour le nerf, le système nerveux, c’est très protégé, il y a une barrière et actuellement les traitements ne passent pas cette barrière, donc c’est un obstacle au traitement. Donc une partie par exemple des médicaments doit se faire par ponction lombaire. Finalement c’est ces patients qu’on doit soigner, et de voir ce qui est majeur pour eux. Par exemple la douleur, la fatigue, vous ne pouvez pas le ressentir et évaluer ! Peut-être que le médecin fait moins attention, parce qu’on voit la paralysie ou un tel déficit, ce qui est observable ! La qualité de vie, et finalement ce qui est important pour le malade, peut-être que ce n’est pas ce que vous, vous pensez. Et on va maintenant plus loin en disant, qu’est-ce qui est important pour vous ? S’il fallait améliorer chez vous quelque chose, qu’est-ce que c’est ? Un qui va dire c’est la marche, l’autre va dire c’est l’écriture, taper, un troisième va dire, moi j’aimerais avoir le contrôle de mon fauteuil roulant, la difficulté c’est personnaliser, ça prend beaucoup de temps, il faut beaucoup de moyens, quand vous avez 3 000 malades… Mais c’est les patients qui sont concernés. Il faut les écouter. Oh ben, c’est difficile de dire à un médecin, j’ose pas dire avec l’âge, mais on apprend, ben, finalement, il faut écouter. C’est une bonne leçon.

4 min 47 s

Transcript...

Shahram Attarian – It’s meetings with rare people that impress. In my fourth year of medicine, I took part in a consultation where a Portuguese patient with a hereditary amyloid neuropathy was brought in and examined by the intern. The illness was quite advanced, I was left with a memory of the malnourished state of this forty-year-old patient and the look in his eyes. I told myself that he wouldn’t be around in another year or two. Then during my internship in neurology during ‘95 to ‘96, I met other people with rare diseases. I saw their shock when told, the violence of their despair and their resentment at the injustice when confronted by this disaster. I was attracted by the challenge of the field of neuromuscular diseases, the lack of knowledge, the absence of treatments and the daily difficulties of the patients. I wanted to be one of those few medical research doctors who dare to explore these rare diseases, sometimes ultra-rare, to be someone who took an interest in these black holes of medicine.

What is a rare disease? A very precise definition of a rare disease is one with a prevalence of 1 per 2 500 people. To give you an example based on amyloid neuropathy that I have just mentioned, then in a town such as Marseille there would be three, perhaps four cases! And so far we have identified more than 7000 rare diseases; in my area there are 700. So it’s pretty vast. For my part, I pay homage to our forebears who dared to attack this problem of neuromuscular disease when it was an unknown area: Georges Serratrice, Professor Georges Serratrice was a pioneer in 1968. And then Professor Jean Pouget who set up the clinic for neuromuscular disease in Marseille. They had not only curiosity but also courage. I should point out that nowadays it’s easier, we are on a path where things are a bit more clear…. From 2018 onwards we have entered an exciting period. First of all are the therapies that act on RNA then there are the genetic therapies where we have the recent Nobel prize for genetic scissors, a very interesting toolbox that lets us cut and paste! In 2021, some very effective new families of treatment emerged and when we look back, we can tell what a road we have travelled…And I believe that in the near future, we will be able to forget the catastrophic situation of this Portuguese patient whose look was so filled with distress and incomprehension.

Now in my area, 50% of diseases are genetic diseases. We are beginning to find treatments… We need access to the genome, access to cells for the treatment to get to where we want and while the treatments are at present intravenous, will they get to their targets? That’s not always so: for the muscles yes, the muscles are very permeable but for nerves, the nervous system is very well protected, there is a barrier and at present treatments do not get through this barrier so that’s an obstacle to treatment. So some of the medicines must be inserted by lumbar puncture. In the end, it’s these patients who need to be looked after so we must see what is best for them. For example, we do not feel the patient’s pain and cannot evaluate their fatigue! It could be that doctors are less perceptive because we do see paralysis or a deficiency like that which is observable! It may be that what really matters to the patient and their quality of life is not what you yourself think. And nowadays we probe more deeply and ask what is important for you? If there is something in your life that we need to improve, what is it? There will be someone who says that it’s walking, another will say that it’s writing, a third will say that they themselves would like control of their wheelchair. The difficulty is to shape things round the individual and that takes a lot of time and a lot of resource when you have 3000 patients…. But it’s patients who matter. We need to listen to them. Now it’s difficult to say this to a doctor, I shouldn’t say that with age one learns, but in the end one must listen. It’s a good lesson.

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Neurologue et coordinateur de la filière de santé des maladies neuromusculaires rares FILNEMUS, le professeur Shahram Attarian dirige le service maladies neuromusculaires à l’hôpital de la Timone à Marseille (APHM).

Neurologist and coordinator of the FILNEMUS, the French Referral Centers for Rare Neuromuscular Diseases, Shahram Attarian is also leading the Department of Neurology and Neuromuscular disorders of the Timone Hospital at the Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille.

Nous remercions pour leur accueil l’ensemble des équipes travaillant avec le professeur Attarian ; et merci comme d’habitude à Adrian Travis pour la traduction.

We thank the medical staff working with Pr. Attarian for their welcome; our usual thanks to Adrian Travis for the translation.