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par Jean-François Dars & Anne Papillault

photo André Kertész

MORPHOGENÈSE OU LA LOGIQUE DES FORMES

De la feuille au bourgeon, le comment et le pourquoi de l’architecture végétale.

Stéphane Douady
1 Mai, 2011
Tapuscrit...

Stéphane Douady – On est entourés par des formes bien particulières, et c’est pour ça, notre cerveau il est adapté, en fait, à reconnaître des formes ! C’est-à-dire que, notre cerveau, y fonctionne parce que le monde autour de nous est organisé en formes, bien précises, et du coup on peut se demander pourquoi est-ce que c’est des formes bien précises comme ça, c’est pas n’importe quoi, et la réponse biologique habituelle, c’est de dire, ben, parce que c’est ce qu’il y a de plus favorable pour la sélection naturelle ! Et nous ce qu’on a envie de répondre, c’est peut-être parce qu’il peut pas faire autrement !

La morphogenèse, c’est comment les formes apparaissent, et notre idée c’est que, dans la croissance de la forme, y a plein de phénomènes physiques, parce qu’il faut qu’elles se tienne, et si il faut qu’elle se contrôle et qu’elle sache quelle forme elle va prendre, y faut qu’elle connaisse son étendue dans l’espace et essentiellement c’est un problème physique… et alors les plantes, c’est exactement ça, c’est qu’on a des formes et des feuilles et des tiges puis tout ça, ça se développe, énormément, et y faut qu’elle contrôle et qu’elle régule un peu sa… non seulement sa position, mais sa forme elle-même … On pourrait dire, regardez la croissance des formes, c’est juste pour regarder les formes parce que c’est joli ! Mais nous on trouve ça joli parce que uniquement notre cerveau en fait, est adapté à analyser les formes ! Parce que le monde autour de nous est organisé en formes ! Alors s’il est organisé en formes bien précises, c’est parce qu’il y a une raison profonde ! Et c’est ça qu’on essaie de comprendre, et on essaie de comprendre plus, non pas par l’usage, mais par la logique du développement ! Disons par exemple, le fait qu’il y ait des feuilles avec des doigts, c’est, mais ça a aucun intérêt peut-être pour la plante, juste que elle essaie d’être le plus grande possible dans le bourgeon et que du coup elle est pliée, et que c’est les plis qui forcent la feuille à être limitée, dans le bourgeon, et à faire du coup des doigts… Donc la forme des doigts, là, n’est pas, n’est pas un intérêt en soi, mais c’est juste une conséquence indirecte du fait que la feuille essaie d’être la plus grande possible dans le bourgeon, et après ça lui donne des doigts !

Après on découvre des choses par hasard, qu’on n’attend pas, par exemple là, les feuilles est pliée, et quand elle grandit elle se retourne à l’envers pour être sûre d’être dépliée et puis elle se redresse. Donc on trouve des mouvements et après on se demande, ben pourquoi y a des mouvements… Et l’idée c’est que le mouvement, il aide à la plante à savoir s’il est bien déplié et s’il arrive à être plat… Ce qui est joli, c’est que pour séparer les feuilles, ce qu’il fait, c’est qu’il fait, y fait le système de, de, du parapluie ! En fait, il écarte, il écarte, il écarte la zone entre les trucs et ça déchire, ça force l’écartement entre les feuilles, qui restent collées au bout et donc y faut CCRROUICC ! Et après, clouc, ça se libère !

Toute forme est un résultat d’une dynamique et d’une croissance ! Est une histoire, le résultat d’une histoire, avec une logique ! Et ce qu’on essaie de comprendre, c’est les deux, c’est comment l’histoire impose la forme et aussi quelle est la logique qui est sous-jacente… Et si les formes se ressemblent, y a beaucoup de formes qui se ressemblent un peu dans la Nature, et c’est parce que, justement, alors que même le système sous-jacent est différent, c’est qu’y a une dynamique qui est commune ! Nous, on essaie de réfléchir à la vie, justement, comment la vie s’organise, pourquoi est-ce qu’il y a des formes vivantes et qu’elles sont organisées… Ben c’est parce que c’est des formes qui permettent de capter l’énergie et de se maintenir, de maintenir la forme elle-même ! Mais en fait en réfléchissant, on se rend compte qu’une étoile, c’est exactement la même chose… Une étoile, c’est une agglomération d’atomes, par gravité, mais qui a déclenché une réaction nucléaire qui dilate et qui l’empêche de s’effondrer, du coup on a une structure, c’est exactement pareil, on a une structure bien définie qui est dynamique, qui se maintient, par la consommation, en fait, de l’hydrogène, au cours du temps… Donc on a le même genre de raisonnement, c’est qu’on a une forme bien définie, qui n’est là que par un processus dynamique qui est temporaire, aussi en réalité…

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Physicien passionné de morphogenèse, médaille d’argent du CNRS, directeur de recherche au CNRS au laboratoire Matière et Systèmes Complexes de l’université Paris Diderot, Stéphane Douady entraîne ses étudiants dans les grandes serres d’Auteuil, à la découverte des dynamiques implacables à l’œuvre derrière l’esthétique des formes végétales.