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de la recherche !

par Jean-François Dars & Anne Papillault

photo André Kertész

UNE BRIQUE / A BRICK

Le temps de cohérence d’un état quantique macroscopique.

Coherence time of a macroscopic quantum state.

Alice Sinatra
4 Sep, 2014
Tapuscrit...

Alice Sinatra – La cohérence, c’est une propriété des ondes. Si on a une onde monochromatique, elle a une phase qui oscille dans le temps indéfiniment, de façon périodique. On peut imaginer un enfant qui saute à la corde, de façon très régulière, sans jamais s’interrompre. Dans le cas d’un condensat de Bose-Einstein, qui est un état de la matière où il y a beaucoup d’atomes tous dans le même état quantique, la cohérence est macroscopique. C’est comme si on avait des centaines de milliers d’enfants qui sautent à la corde de façon synchrone, parfaitement de la même façon. Mais l’interaction entre atomes peut perturber l’évolution de la phase, et donc on se demande quel est le temps de cohérence du condensat en présence d’interactions. Et la question a déjà été répondue à température nulle par un théoricien russe, dans les années 60, par contre elle était ouverte dans le cas de la température non nulle. Donc en 2000 sont parus deux premiers articles sur le temps de cohérence d’un condensat, à température non nulle. Et ils trouvaient que la phase du condensat va pas être toujours bien définie dans le temps, y a une distribution de phase qui va s’élargir dans le temps et elle s’élargit comme la racine carrée du temps. Donc c’est à cette vitesse que le condensat va perdre la mémoire de sa phase initiale. Un troisième article était sorti, mais nous n’étions pas en connaissance de cet article à l’époque, qui par contre trouvait un résultat très différent, trouvait que la distribution de phase s’élargissait comme le temps et non pas la racine de temps, donc beaucoup plus vite !

Puis en 2006, je me trouvais en Pologne, à un colloque, et j’ai vu l’affiche d’une jeune fille qui était en thèse, qui faisait des simulations de champs classiques pour étudier les condensats à température non nulle. Et je me suis dit, il serait bien de faire des simulations de champs classiques pour voir cet effet ! Et c’est comme ça qu’Emilia Witkorska est venue à Paris, et a fait des simulations. Et à notre grande surprise, elle a trouvé que la distribution de phase grandissait linéairement en temps, et non pas comme la racine du temps, c’était pas… ce qu’on s’attendait, c’était en fait le troisième article, que nous ne connaissions pas à l’époque, qui avait raison. Et nous avons donc étudié le problème, pour le comprendre à fond, en particulier avec Yvan Castin, qui jusque-là suivait d’un œil distrait nos premières investigations avec Emilia. Nous avons compris en particulier que un caractère important qui avait été, été négligé dans les approches précédentes d’optique quantique, est le fait que le système est isolé. Et nous avons aussi vu que même le troisième article, qui avait vu juste de ce point de vue, n’était pas complet. Parce que pour expliquer les simulations d’Emilia Witkorska, il fallait introduire des interactions entre les quasi-particules. Nous avons passé comme ça quelques années, écrit quelques articles, nous sommes devenus amis avec Emilia Witkorska, et avec Yvan nous avons eu l’impression de contribuer avec une petite brique à l’édifice de la connaissance…

2 min 50 sec

Transcript...

Alice Sinatra – Coherence is a property of waves. A monochromatic wave has a phase that oscillates in time periodically, indefinitely. We can imagine a child skipping rope very regularly, with no interruptions. In the case of a Bose-Einstein condensate, that is a state of matter where many atoms share the same quantum state, coherence is macroscopic. It’s as if hundreds of thousands of children were skipping rope together in a perfectly synchronized fashion. But, the atoms interactions can perturb the evolution of the phase, so a question arises: what is the condensate coherence time in presence of interactions. This was already answered for a 0° temperature by a Russian physicist in the 60’s. Yet it was an open question at non zero temperature. In the year 2000 two first papers came out about the coherence time of a condensate at non zero temperature. They predicted that the condensate phase does not remain well defined forever: a probability distribution broadens in time, and it broadens proportionally to the square root of the time. It’s the velocity with which the condensate loses the memory of its initial phase. A third paper found, but we didn’t see it at the time, a very different result. It found that it broadens as a function of time not the square root of time, so much faster!

Afterwards, in 2006, I was in Poland at a conference, and I saw the poster of a young girl in her PhD studies, making classical field simulations to study condensates at finite temperature. I thought it would be a good idea to use classical field simulations to see this effect! So Emilia Witkowska came to Paris and made the simulations. And we were very surprised to see the phase broadening linearly in time, not as the square root of the time. It was not what we expected. It was indeed the third article that we didn’t know at the time, which was right. We have studied then the problem in depth, in particular with Yvan Castin, who was following distantly our investigations with Emilia. We saw that even the third article, which didn’t miss this point, was not complete. To explain the simulations of Emilia Witkowska, it was necessary to introduce interactions among the quasi-particles. Some years after, we had written a few papers, become friends with Emilia Witkowska, and together with Yvan we felt like contributing with a small brick to the edifice of knowledge.

2 min 50 sec

Physicienne théoricienne au laboratoire Kastler-Brossel (LKB) de l’ENS et enseignante à l’université Pierre et Marie Curie (UPMC), Alice Sinatra explore les multiples questions qui se posent autour des condensats de Bose-Einstein, en particulier les propriétés d’intrication quantique et de cohérence à température non nulle. Ces thématiques ont des applications naturelles en interférométrie. Elle participe aussi aux recherches théoriques touchant aux célèbres puces à atomes réalisées dans l’équipe de Jakob Reichel.

Quantum physicist in laboratoire Kastler-Brossel (LKB) of the École normale supérieure and teacher in Pierre et Marie Curie University (UPMC), Alice Sinatra explores the theory of cold degenerate gases, in particular concerning atomic entanglement and coherence properties of Bose-Einstein condensates at finite temperature. These subjects have a natural application in the field of metrology and interferometry, and close connections with the cold-atoms experiments on atom chips realized in the team of Jakob Reichel.