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de la recherche !

par Jean-François Dars & Anne Papillault

photo André Kertész

L’EFFET POMME DE PIN / THE PINE CONE EFFECT

De l’anisotropie fondamentale de la pomme de pin météo.

Weather predicting with pine cones

Étienne Reyssat
20 Août, 2016
Tapuscrit...

Étienne Reyssat – Ce que je voulais raconter, c’est comment j’ai commencé à travailler sur les pommes de pin. Donc après ma thèse, je suis arrivé à Boston, sans bien savoir sur quoi j’allais travailler. Et puis peu après mon arrivée, j’ai eu rendez-vous dans le bureau du prof qui m’accueillait, il m’a parlé d’une vingtaine de sujets différents, et puis quand on est, on allait se séparer, y m’a tendu une écaille de pomme de pin en me disant, tiens, y paraît que quand on le met dans l’eau, ça bouge, tu pourrais essayer, faire un film, et puis on va voir ce que ça donne. Alors je suis retourné au labo, j’ai mis l’écaille dans l’eau, j’ai programmé mon appareil photo pour qu’il prenne une photo par minute, puis je parti faire autre chose et donc en revenant quelques heures plus tard effectivement, je vois mon film et l’écaille bouge quand on la met dans l’eau, alors j’ai appris que en fait, tout le monde le sait, ah oui, ma grand-mère m’a dit que les pommes de pin, ça sert à donner la météo !

Bon… Alors là, on a quand même, nous, essayé de comprendre ça un peu plus en détails, quelle est l’origine de ces mouvements, comment se fait-il qu’une pomme de pin indique l’humidité, à quelle vitesse les écailles bougent, et puis quel est le lien entre ces mouvements et la structure en bilame des écailles de pomme de pin… Alors la première chose à faire, évidemment, c’était de mesurer, de prendre des échantillons, de mesurer la vitesse d’ouverture, de fermeture, donc là j’ai développé une espèce de maladie, qui consiste, quand on se promène dans la rue, à ramasser toutes les pommes de pin qu’on trouve dans la forêt en allant au travail, tout ça, bon, ça se soigne assez bien, à la longue, et puis j’ai passé beaucoup de temps à arracher les écailles de pommes de pin, à les fixer sur des supports, mettre l’appareil photo, mesurer les vitesses d’ouverture et de fermeture, et puis, une fois qu’on a eu accumulé beaucoup de données, fallait travailler sur, modéliser ces systèmes, ça c’est un peu dur parce que c’est des systèmes biologiques, qui sont pas très reproductibles, donc ça pose des problèmes, et puis on s’est aussi demandé, euh, si on pouvait fabriquer nos propres pommes de pin, donc est-ce que ces structures en bi-lame, on pourrait pas en fabriquer nous aussi simplement, donc là l’idée, c’est de prendre un matériau qui est sensible à l’eau, donc on a pris le papier puisque c’est celui-là qu’on avait sous la main, puis on a collé du papier sur du plastique, parce que c’est aussi ça qu’on avait sous la main, des feuilles de plastique, et effectivement, ces structures-là se déforment au gré des variations de l’humidité ambiante…

Donc l’idée, c’est pas de fabriquer une pomme de pin artificielle, parce que la Nature en fabrique plein, on n’en a pas besoin, mais c’est plutôt s’inspirer de mécanismes que la Nature a créés au fil de l’évolution pour en faire des choses qui peut-être par ailleurs pourraient être utiles… Et donc à partir de ces objets-là, on peut se demander ce qu’on peut en faire, maintenant qu’on sait les fabriquer, donc l’idée de base c’est de faire un hygromètre, donc on peut faire pour pas cher un hygromètre assez sensible, et puis après on peut réfléchir à des choses un petit peu plus compliquées, en jouant sur l’hétérogénéité des matériaux, ou leurs différences de propriétés dans différentes directions, ça s’appelle l’anisotropie, pour fabriquer des objets qui ont des déformations un peu plus complexes, alors pour faire bien, on dit que c’est des matériaux intelligents ! Tout ça, c’est parti finalement de ce geste très simple qu’a eu le prof qui m’accueillait, de me tendre cette écaille de pomme de pin, donc c’est un geste très banal, on m’a tendu un objet très banal ! Donc là, à partir de ça, ben on se dit, finalement y a pas besoin de cherche très, très loin pour faire de la physique intéressante, et on en a plein sous les yeux ou sous le nez…

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Transcript...

Étienne Reyssat – I wanted to let you know how I started working on pine cones. After my PhD, I arrived in Boston without really knowing what I would work on. Shortly after my arrival, I met the professor who was hosting me and he told me about twenty or so different topics, and at the end of our meeting he handed me a pine cone scale and told me, here, it is supposed to move when in water, you should try and make a video and we will see. I headed to the lab, put the scale in water, and programmed the camera to take pictures every minute, I started working on something else and when I came back a few hours later, I saw on the movie that the scale indeed moves when put in water, and I learned what actually everybody knows: oh sure, my grandmother told me that pine cones predict the weather!

So… So then, we tried to understand this in a little more detail, what is the origin of these movements, how come pine cones indicate humidity, how fast do scales move, what is the link between these movements and the bilayer structure of pine cone scales… The first thing to do, obviously, was to measure, to take samples, to measure the opening and closing speeds. I started to suffer a kind of disease which consists of collecting all the pine cones I could find in the woods, when going to work and so on, one recovers rather well after some time, and I spent a lot of time taking the scales off pine cones, mounting them, setting the camera, and measuring the opening and closing velocities. Once we had accumulated a lot of data, we had to work on the modeling of these systems which is a bit difficult because they are biological systems, not very replicable, which is a problem. Then we asked whether we could build our own pine cones, can we easily build these bilayered structures? We took a water-responsive material, paper because it is easily available, and we stuck paper onto plastic sheets since they were also easily available to us, and these structures indeed turn out to change shape as humidity varies.

The idea is not to make an artificial pine cone, Nature makes lots of them, but rather to take inspiration from the mechanisms created by Nature in evolution to build objects that could be useful… Now that we have these structures, we can think about what to do with them, and the basic idea is to make a hygrometer, a cheap but rather sensitive hygrometer. After that we go on to try to make more elaborate things, playing on the heterogeneity of materials or on properties being different in different directions (this is called anisotropy) and to make objects that show more complex deformations (these are called smart materials). All of this started from the very simple fact that the professor hosting me handed me this pine cone scale, so it is a very common move for a very common object! From here, one realizes that there is no need to look far away to do interesting physics, there are many topics just around us.

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Pomme de pin fermée : il va pleuvoir. Pomme de pin ouverte, il va faire beau. Physicien, chargé de recherche au laboratoire PMMH de l’ESPCI, Étienne Reyssat s’est penché sur les causes physiques (structure bi-lame des écailles de pomme de pin)  d’un hygromètre naturel apprécié par la sagesse populaire.  Il en a tiré un modèle épuré à partir duquel il prévoit d’élaborer de manière simple de nouveaux matériaux capables de prendre à volonté une forme désirée.

Closed cone: expect rain. Open scales, nice weather to come. A researcher at the PMMH laboratory in ESPCI, Étienne Reyssat got interested in the physical principles (the bilayered structure of pine cone scales) of a natural hygrometer known to everyone. He proposed a minimal model from which he wants to easily design new materials that could take at will any desired shape.