GRAINS D’ARGENT / GRAINS OF SILVER
Le destin d’un photon : la solution à 4 %
A photon’s destiny: The Four-Per-Cent Solution.
Tapuscrit...
Henry Joy McCracken – Là, je passe mon temps de travailler avec les plus grandes images au monde, avec les plus grandes caméras, je travaille actuellement avec les données d’Hyper-SupremeCam, qui est une caméra de 3 degrés2, qui était la caméra la plus grande et la plus précise au monde. Je travaille aussi sur la caméra du VIS qui sera embarquée sur le satellite Euclid, qui va faire les mesures les plus précises de tous les temps des formes des galaxies. En fait les capteurs étaient fabriqués pour les militaires, c’était pas fabriqué pour les astronomes, nous on utilise maintenant en astronomie et ensuite les amateurs et professionnels de photo maintenant ils ont accès à ces super-capteurs qui sont capables de prendre les photos parfaites de l’Univers, mais est-ce que ça c’est la chose que l’on voulait en tant que photographes ? Est-ce qu’on veut cette représentation parfaite ?
Et habitant à Paris, qui était à un certain moment le centre de photographie mondiale, il est des fantômes toujours dans les rues ici, et je me trouvais la rue de Beaumarchais pour acheter un Leica d’occasion. Le soir je vais dans le labo photo de l’Observatoire, qui était tombé en ruines depuis dix ans, j’étais le premier pour ouvrir la porte, pour entrer dans cette salle, de dépoussiérer les bacs et tout ça, et j’ai pris mes négas et j’ai fait mes prints à dix-huit heures le soir, après passer des journées devant l’écran, d’essayer de trouver un meilleur moyen de mesurer le PSF d’une galaxie et si quelqu’un m’a dit, il y a un an, tu vas acheter des chimies dans un des seuls magasins qui existent encore à Paris, et faire mixer les Rodinal, qui est justement les chimies les plus anciennes au monde, et développer mes pellicules de Tri-X, qui est d’une efficacité quantique de 4 % par rapport à mes CCD qui sont d’une efficacité quantique de 100, je dis que vous êtes complètement fou ! C’est marrant, parce quand je regarde mes collègues astronomes, qui fait des photos, y sont tous intéressés pour avoir des capteurs qui sont super-sensibles, de faire des ISO à 50 000, et à prendre des photos de nuit qui semblent être des photos de jour ! Mais la chose avec le Leica, quand tu prends une photo la nuit, ça semble être pris la nuit ! Et maintenant, quand je balade dans la rue, je suis conscient des distances des choses, je sais maintenant que l’autre bout de la rue c’est entre trois et cinq mètres, parce que sur mon pauvre appareil, y faut régler les distances avant de prendre les photos. Et si tu sais pas quelle est la distance des choses qu’y faut prendre, t’es mort…
Sur un film classique, en fait, seulement 4 % des photons qui arrivent sur une plaque photographique sont transformés en argent. Y faut avoir plusieurs photons pour faire un seul grain de silver, en fait, un grain d’argent… Mais, les premiers détecteurs électroniques inventés par Kodak et compagnie, ils avaient une surface qui était très petite, mais ils avaient l’avantage qu’ils étaient beaucoup, beaucoup plus efficaces par rapport à les plaques photo… Presque 100 % des photons arrivant sur un détecteur électronique sont convertis en électrons et lus par les ordinateurs. Et c’est sûr que en tant qu’astronome, je ne veux pas retourner en arrière, et demander du plaque photographique qui avait justement perdu tous les photons qui sont traversés l’Univers pour arriver sur les plaques… Mais pour la lumière du jour à Paris, est-ce qu’on a vraiment besoin d’une ISO de 35 000 pour prendre une photo d’un bâtiment de l’autre côté de la rue ?
Je veux pas dire que le film est meilleur que le digital. C’est un moyen différent de capturer le monde, et je pense pas que je vais continuer de développer des centaines de pellicules dans la cuisine… Peut-être après d’avoir appris la manière d’observer en argentique je vais retourner au digital, je sais pas…
03 min 45 sec
Transcript...
Henry Joy McCracken –There, I spend my time working with the largest images in the world, with the largest cameras. I’m working right now with data from Hyper-SuprimeCam, which is a camera covering 3 sq degrees on the sky. It has the widest field of view and the best image quality of any camera in the world. I am also working on the camera VIS which will be launched on the satellite Euclid and which will make the most precise measurements of all time of galaxy shapes. In fact, these detectors were created for the army, not for astronomers. We use them today in astronomy. After that, professional and amateur photographers are able to use these highly efficient detectors which are capable of taking extremely precise images of the Universe. But is that the thing that we really want as photographers? Do we really want these perfect images?
Living in Paris, which at a certain time was the world centre of photography (there are still ghosts in the streets here) one day I found myself on the rue de Beaumarchais to buy a second-hand Leica. In the evening I go into the photo lab at the Observatoire, which had fallen into disuse in recent years, I was the first person to open the door, to go into this room, to clean the trays and everything, I took my negatives and made my prints at 6pm in the evening after spending a day in front of the computer screens, trying to find the best way to measure the shape of a galaxy. If somebody had told me, a year ago, you will buy chemicals in one last remaining shops in Paris and mix up Rodinal, which is one of the oldest developers in the world, and develop Tri-X film, which has a quantum efficiency of around 4 % compared to the 100 % of my electronic detectors, I would have said you are completely crazy! And it’s funny, because when I consider many of my astronomer friends, who are making photographs, many are interested in having highly sensitive cameras, to make images with an ISO 50,000, and take photographs at night which seem to be photographs taken during the day! With the Leica, when you take a photograph at night, it really does look like it’s taken at night! And now, when I walk in the street, I am aware of how far away things are, because on my simple camera you must set the distances before taking the photograph. And if you don’t know how far things are away, you are dead.
On film, in fact, only 4% of the photons which fall on a photographic plate are converted into silver particles. You need many photons to make a single silver particle. But although the first electronic CCD detectors made by Kodak and friends had a much smaller area than a photographic plate they had the advantage that they were much, much more efficient than photographic emulsion. Almost 100 % of visible photons falling on an electronic detector are converted into electrons and read by computers. It’s certain that, as an astronomer, I don’t want to go back, and switch to photographic plates which will lose all those photons which have crossed the universe to arrive on the film. But in the light of day in Paris do we really need a sensitivity of ISO 35,000 to take a picture of a building on the other side of the street?
I don’t want to say that film is better than digital. It’s a different way to capture the world. I don’t think I will continue to develop hundreds of rolls of film in kitchen. Perhaps after I have learned how to observe with film cameras I will go back to digital, I don’t know.
03 min 45 sec
Astronome à l’Institut d’astrophysique de Paris (IAP), responsable de la chaîne du traitement de la caméra VIS du futur satellite Euclid de l’ESA, Henry Joy McCracken observe les rapports complexes entre matière lumineuse et matière noire, et pas seulement dans le ciel : fasciné par le spectacle nocturne de Paris, il remet en service les procédés de la photo argentique, Leica au poing, pour voir si leur « dérisoire efficacité » (seulement 4 % des photons arrivant sur une plaque photographique l’impressionnent) n’est pas en fin de compte la mieux adaptée pour évoquer les mystères de la nuit.
Astronomer at the IAP in charge of the development of the data reduction pipeline for the VIS camera on ESA’s forthcoming Euclid satellite, Henry Joy McCracken studies the complex relationship between dark and luminous matter, and not only in the heavens. Fascinated by the spectacle of Paris at night, he has returned to film photography, Leica in hand, to see if film’s poor sensitivity (only 4% of photons falling on photographic emulsion are transformed into grains of silver) isn’t, in the end, better adapted to capture the mysteries of the Parisian night.
Merci à Jean Mouette et à Olivier Garros
Thanks to Jean Mouette and Olivier Garros