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par Jean-François Dars & Anne Papillault

photo André Kertész

QUAND LE CERVEAU SE REPOSE / WHEN THE BRAIN IS AT REST

Le repos, mesure de la pensée.

Rest, a probe of thoughts.

Gaël Varoquaux
17 Sep, 2018
Tapuscrit...

Gaël Varoquaux – Il y a une dizaine d’années, je me suis lancé dans l’aventure d’essayer de comprendre le cerveau au repos. L’idée c’est que, de nos jours, on peut imager l’activité du cerveau – pour ça, par exemple, en utilisant une IRM qui nous permet d’avoir une sorte de film de l’activité du cerveau. On voit, si on regarde ce film, on voit les régions cérébrales qui s’activent et celles qui ne s’activent pas. Et ce qui est intéressant, c’est que ça nous donne une fenêtre sur l’esprit, c’est-à-dire les pensées. Et ma fascination, c’était que un cerveau au repos en fait c’est des pensées libres. Et donc, que peut-on en tirer ? Si on regarde un individu qui ne pense pas à quelque chose que l’on contrôle, dont les pensées, en fait, ne sont pas guidées, peut-on comprendre le comportement du cerveau, peut-on s’en servir pour la médecine. L’enjeu, au-delà de la fascination, c’est de faire des expériences qui sont applicables à tout le monde, même à des gens qui ne sont pas capables de faire un calcul compliqué, qui sont stressés par un scanner, donc il y a un véritable enjeu pratique.
Pour commencer, on a posé cela comme un problème dit de séparation de sources en traitement du signal. Et l’idée c’est que chaque réseau du cerveau s’exprime comme une source indépendante. Par exemple, les aires du langage ne sont pas synchronisées avec les aires de la décision. Et on peut utiliser cette désynchronisation lors de ces pensées non contrôlées pour les séparer. Et donc ça, ça peut nous mener à une cartographie du cerveau au repos. L’un des avantages du repos, en fait, d’un point de vue traitement de données statistiques, c’est qu’il nous donne beaucoup, beaucoup de données. Et après on peut faire une analyse aveugle qui consiste à essayer de séparer les signaux indépendants de façon aveugle. Et donc ça on peut trouver des formes assez compliquées, et par exemple des régions distantes qui s’allument souvent ensemble. En fait, derrière ça, on capture les corrélations entre les aires distantes et donc, on peut aller plus loin. Et on peut quantifier ces interactions entre aires cérébrales, et l’enjeu devient non pas de cartographier, mais de quantifier le repos. C’est-à-dire de s’en servir comme d’un outil de mesure, un outil de diagnostic. Donc, des années après le rêve peut-être un peu naïf de lire dans le cerveau au repos, maintenant on utilise cette activité de repos comme un marqueur que l’on peut appliquer à des gens qui sont diminués. Le genre d’application qu’on va voir venir c’est par exemple le diagnostic des gens qui sont dans le coma. Donc ça c’est un véritable enjeu, et un endroit où on commence à avoir des succès, c’est pour étudier des gens qui ont des troubles autistiques, et donc se servir du repos comme un marqueur qui est un marqueur objectif et biologique d’une maladie psychiatrique comme l’autisme.
Au début j’avais une naïveté qui faisait que je ne pouvais être attiré par quelque chose de nouveau que par une fascination, puisque je ne le comprenais pas. Et puis après, j’ai eu la chance de travailler avec beaucoup de gens qui étaient complémentaires et qui m’ont posé beaucoup de questions et qui m’ont fait réfléchir, et on est passé de la fascination à l’idée que ça pouvait servir à quelque chose, et puis après à la volonté de montrer que ça peut servir à quelque chose. Si je peux montrer que ça peut servir à quelque chose, ça a probablement une valeur de vérité.
03 min 35 s

Transcript...

Gaël Varoquaux – About ten years ago, I started the adventure of trying to understand the brain at rest. The idea is that, nowadays, we can have images of the activity of the brain —for example, using an MRI that allows us to have some sort of film of brain activity. Looking at this film, we see the brain regions that activate and those that do not activate. And, what’s interesting is that it gives us a window on the mind, that is: thoughts. And my fascination was that a brain at rest actually is free thoughts. So, the question is: what can we draw from it? If we look at an individual who does not think about something that we control, whose thoughts are not guided, can we understand the behavior of the brain? Can we use it for medicine? The stakes, beyond the fascination, is to make experiments that are applicable to everyone, even to people who are not able to do a complicated calculation, who are stressed by a scanner. So there is a real potential practical benefit.
As a start, we tackled this as a so-called source separation problem in signal processing. The idea is that every network of the brain expresses itself as an independent source. For example, the language areas are not synchronized with the areas for decision making. And we can use this desynchronization during these uncontrolled thoughts to separate them. So this can lead us to a map of the brain at rest. One of the advantages of rest, from a statistical data processing point of view, is that it gives us lots of data. Then we can do a blind analysis which consists in trying to separate the independent signals in a blind way. So we can find quite complicated shapes, for example distant regions that often light up together. In fact, behind this, we are capturing the correlations between remote areas and therefore we can go further. And we can quantify these interactions between brain areas, and the challenge then becomes not to map, but to quantify the rest. That is, to use it as a measurement tool, a diagnostic tool. So, years after the, perhaps naive, dream of reading in the resting brain, now we use this rest activity as a marker that we can apply to people who are diminished. The kind of application that we will see coming is for example the diagnosis of people who are in a coma. So this is a real issue, and alley in which we start to have success is to study people who have autistic disorders, and therefore use rest as a marker that is an objective and biological marker of a psychiatric illness like autism.
At first I was so naive that I could only be attracted to something new by fascination, since I did not understand it. Then I had the chance to work with a lot of people who were complementary and who asked me a lot of questions and made me think, and we went from fascination to the idea that it could be used for something, and then to the will to show that it indeed was useful. If I can show that it can is useful for something, it probably has a truth value.
03 min 35 s

Chargé de recherche en mathématiques appliquées au sein de l’Inria à Saclay, Gaël Varoquaux s’applique, à grand renfort de lignes de code interrogeant l’océan de renseignements procuré par les big data, à mettre en évidence la cartographie de l’activité du cerveau lorsqu’il est en roue libre : comment pensons-nous lorsque nous ne pensons à rien ? Et comme si souvent en recherche, la curiosité pure débouche sur la promesse d’un outil.

A Research Fellow in Applied Mathematics at Inria in Saclay, Gaël Varoquaux relentlessly tends, by means of tons of lines of code questioning the bunch of information contained in the big data, to highlight the mapping of the brain activity when it is at freewheeling: how do we think when we don’t think anything? As is so often the case in research, sheer curiosity leads to a promise of a tool.