LA PORTE DE LA CELLULE / THE CELL DOOR
La Clef Électricité
Electricity is the Key
Tapuscrit...
Lluis Mir – Une cellule tumorale n’a qu’une seule envie dans la vie, hein… C’est se diviser. Sinon, elle n’est pas tumorale ! L’électro-chimiothérapie, c’est une méthode de vectorisation d’un médicament. C’est ouvrir la porte de la cellule à ce médicament. Ce n’est pas une méthode ablative, parce que toutes les autres approches physiques, que ce soient les rayons X, radiothérapie, le froid, le chaud, les ultrasons, c’est ces effets physiques qui tuent ! Et à ce moment-là, ils ne peuvent pas discriminer entre la cellule tumorale et la cellule normale.
Quelqu’un m’a passé un article, en utilisant des impulsions électriques, ça laissait la cellule perméable un certain temps et des choses pouvaient rentrer. Du coup, j’ai essayé d’optimiser, avec un premier étudiant, pratiquement toutes les cellules survivaient aux impulsions électriques et étaient perméabilisées, et avec un autre étudiant, nous avons fait des tas de tests, et il ne restait plus qu’une seule molécule à tester, la bléomycine, qui est un anticancéreux qui n’est pas terrible, parce qu’il n’est pas très efficace. Il fait sa manip, toutes les cellules soumises aux impulsions électriques, tuées par cet agent ! Bon, on recommence, on vérifie, et effectivement, dix mille fois plus actif si on perméabilise la cellule que si on ne la perméabilise pas.
Voilà, c’est une histoire qui s’est développée dans le temps, mes dix dernières années c’était d’essayer de comprendre ce que ces impulsions électriques font réellement dans la membrane des cellules, parce qu’elles n’affectent pratiquement que la membrane. Le milieu interne de la cellule est conducteur, le milieu externe est conducteur, la membrane est un isolant. Donc avec l’impulsion électrique, on charge la membrane. Et au-delà d’une certaine valeur, l’eau commence à pénétrer dans la membrane, parce que les dipôles de l’eau s’orientent, les lipides de la membrane commencent à s’oxyder, et la membrane devient perméable, et avec des impulsions ultracourtes ! En clinique, c’est 8 impulsions de 100 microsecondes, durée totale du traitement inférieure à 1 milliseconde, pourtant les cellules restent ouvertes pendant plus de 5 minutes…
La base, c’est, en gros, on injecte cette bléomycine dans l’organisme par voie systémique. Elle va être partout, mais comme elle n’est pas efficace, résultat d’une injection d’une faible dose, il n’y a pas d’effets secondaires. Là où on applique les impulsions électriques, les cellules normales et tumorales vont être perméabilisées, la bléomycine va rentrer dans les deux types de cellules, certes, mais après, cette bléomycine fait quelques coupures sur l’ADN des cellules, de façon aléatoire et pas beaucoup, donc c’est pour ça que la cellule normale va pouvoir continuer à vivre, parce qu’aucun de ses gènes ne va être altéré. Aucun de ses gènes indispensables. Et seules les cellules qui veulent se diviser vont mourir, parce que leurs chromosomes sont cassés. Et donc on ne peut pas les séparer convenablement, et donc la cellule rentre dans un processus de mort, parce qu’elle n’arrive pas à faire deux cellules filles, c’est ce qu’on appelle la mort mitotique. Donc à partir de là, on s’est dit, ben, c’est extraordinaire, si on perméabilise on va tuer avec cet agent.
Passage dans un centre anticancéreux comme Gustave Roussy à des modèles de souris avec des tumeurs, dès la première manip, des souris guéries par la combinaison de la bléomycine et des impulsions électriques, donc j’ai appelé ce traitement électro-chimio-thérapie, et quelque temps après, passage par le comité d’éthique maison, etc., essais chez l’homme, le premier patient on n’avait le droit de lui traiter que un nodule, il en avait cinq, autour du cou, son nodule traité a disparu au bout d’une semaine et c’est lui qui nous a demandé de traiter les autres !
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Transcript...
Lluis Mir – A tumour cell has only one goal in life… to divide. Otherwise, it isn’t a tumour! Electro-chemotherapy is a way of targeting a drug – it opens the door of the cell to the drug. It isn’t a form of tissue removal, bearing in mind that all the other physical approaches, be they X-rays, radiotherapy, cold, heat or ultrasound are physical effects that kill. And as they do, they cannot discriminate between tumours cells and normal ones.
Someone sent me an article where electric shocks were used that left the cell-wall permeable for a certain time so that things could pass through it. That made me try to do better and with a first student, practically all the cells survived the electric impulse and were made permeable. With another student, we did a pile of tests and there remained one last molecule to test, bleomycin, which is an anti-cancer drug that isn’t brilliant because it isn’t very efficient. He did his thing and all the cells subjected to electric shocks were killed by this agent! OK, we tried again, we checked and indeed there is ten thousand times more activity if the cell is made permeable than if left alone.
So there you have it, a story that has developed over time, my last ten years were spent trying to understand what these electric shocks really do in the membrane of cells because they affect practically nothing but the membrane. The inside of the cell is a conductor, the outside is a conductor but the membrane is an insulator. So with the electric shock, we charge the membrane and beyond a certain value, water begins to penetrate the membrane because the dipoles of water line up with one another, the fats of the membrane begin to oxidise and the membrane becomes permeable, and all this with ultrashort pulses! In clinic it is 8 pulses of 100 microseconds so the treatment lasts less than 1 millisecond, yet the cells stay open for more than 5 minutes…
Basically, this bleomycin is injected into the body bu systemic routes. It goes everywhere but since it isn’t effective due to the feebleness of the dose, there are no side effects. Where we apply electric shocks, the normal and tumorous cells will be made permeable, the bleomycin will certainly enter both types of cell but afterwards, this bleomycin makes a few cuts of the cell DNA in a random and not too extensive manner and it is because of that that the normal cell can keep on living since none of its genes are going to be altered. At least, none of its essential genes. And only the cells that want to divide will die because their chromosomes are broken. So they cannot separate easily and hence the cell initiates its own death because it is not managing to make two daughter cells: we call this mitotic death. So at that point we see that, well, it’s extraordinary, if we render things permeable then this agent becomes lethal.
Next stop is an anticancer centre like Gustave Roussy that has mouse models with tumours and from the first attempt, mice cured by the combination of bleomycin with electric shocks. I therefore called this treatment electro-chemo-therapy and not long after we passed through the in-house ethics committee etc. Trials in humans: with the first patient we were allowed to treat only one nodule even though he had five around his neck. The treated nodule disappeared after a week and he was the one who asked us to treat the others!
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Biologiste de formation à l’ENS, directeur de recherche émérite au CNRS, le professeur Lluis M. Mir a notamment mis au point et développé à Gustave Roussy une méthode de traitement de certains cancers qui se situe au carrefour de plusieurs disciplines : l’électrochimiothérapie.
Biologist by training at École Normale Supérieure de Paris, Emeritus Research Director with the CNRS, Professor Lluis M. Mir has in particular developed a method of treatment of certain cancers situated at the crossroads of several disciplines: electrochemiotherapy.
Merci au Laboratoire METSY : Aspects métaboliques et systématiques de l’oncogenèse pour de nouvelles approches thérapeutiques (UMR 9018 CNRS, Université Paris-Saclay et Gustave Roussy) ; et merci à Adrian Travis pour la traduction.
We thank the Laboratoire METSY : Aspects métaboliques et systématiques de l’oncogenèse pour de nouvelles approches thérapeutiques (UMR 9018 CNRS, Université Paris- Saclay et Gustave Roussy); our thanks to Adrian Travis for the translation.