POURQUOI HAUSSMANN
Haussmann n’a ni détruit ni construit Paris, il l’a métamorphosée.
Tapuscrit...
Françoise Choay – Pourquoi Haussmann ? Mais parce que Paris est la ville la plus visitée du monde, or nous connaissons, même en Europe, y a Rome, y a Venise, des endroits merveilleux, pourquoi Paris ? Et ma réponse, c’est que c’est grâce à Haussmann… Haussmann s’est conduit non seulement en urbaniste plus moderne que les urbanistes actuels, mais il s’est conduit véritablement en anthropologue. Et les gens ne pensent qu’aux descriptions qui ont été faites par les Français hostiles, les gens de gauche lui attribuent l’idée d’avoir voulu faire de larges avenues pour pouvoir foncer sur les manifestants et les gens de droite l’accusent d’avoir détruit la capitale sans penser à ce qu’il a fait de véritablement positif et de fabuleusement démocratique…
Et il a attendu pratiquement trois ans avant d’entreprendre quoi que ce soit, c’est-à-dire qu’il a commencé par dresser un plan de Paris avec courbes de niveau, qu’il a fait afficher dans son bureau et sur lequel pendant les trois ans d’observation on a noté tout ce qui était fondamental de prendre en compte, car la clef pour comprendre, c’est sa connaissance de Paris, il a été élevé à Paris, y venait à pied au Quartier Latin, pour lui, Paris c’était sa ville ! Et donc il n’avait qu’une idée, c’était qu’elle soit la plus belle ville d’Europe et il a révisé une partie des tracés des grandes artères, elles étaient absolument nécessaires, étant donné l’invention du chemin de fer et que ça n’était plus possible que Paris soit complètement isolé, il a fallu faire quelque chose qui permette la traversée de part en part, avec les premiers omnibus, enfin tout ce type de choses nécessitait une métamorphose. Une des choses, moi, qui m’a le plus éblouie, c’est de voir que sur toutes les grandes artères, chaque fois qu’il y avait une maison qui, qui était gardable, il la gardait ! Et vous avez ça dans tous les quartiers, et ici simplement, entre Saint-Germain des Prés et la rue du Bac, vous en avez une bonne dizaine, de même qu’il a gardé des petites rues entières.
Et en même temps il s’était rendu compte de tous les problèmes que posait l’insalubrité parisienne car ce qu’il faut voir, c’est que, à l’époque les Parisiens buvaient l’eau de la Seine ! Eh bien, il a décidé qu’on allait faire comme à Rome, apporter de l’eau propre qui ne fût pas de l’eau de la Seine, l’eau était distribuée par porteurs dans les maisons, enfin vous voyez, c’est Haussmann lui-même qui a dû convaincre Belgrand, son ingénieur, non seulement de faire un système d’évacuation des eaux usées, mais d’apporter de l’eau de source ! Qu’il va falloir canaliser… Et alors là, c’est une chose, sur le plan de la démocratie, qui est admirable, c’est que il a été prévu d’apporter ça pour la population entière, tous les immeubles, sans distinction de classe ni de quoi que ce soit, ça a été pour tous les Parisiens…
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Docteur en philosophie, philologue et historienne des théories des formes urbaines et architecturales, spécialiste de l’œuvre d’Alberti, Françoise Choay a rédigé ou dirigé de nombreux ouvrages fondamentaux tout en étant professeur aux universités de Paris I et Paris VIII.